- CHAÎNES (géomorphologie)
- CHAÎNES (géomorphologie)Les géomorphologues appellent chaîne une unité montagneuse complexe, caractérisée par un relief élevé, à fortes dénivellations, et, surtout, par la disposition ordonnée de ses éléments et de leurs combinaisons, selon une direction privilégiée qui est celle de son axe.Toutes les chaînes correspondent à une tectonique de plissement récente, développée au cours des ères secondaire et tertiaire jusqu’au début du Quaternaire, dans le cadre de l’orogenèse dite alpine , du nom de l’une des mieux connues d’entre elles. On sait qu’il a existé d’autres systèmes plissés comparables au Primaire (systèmes calédonien et hercynien) et au Précambrien (par exemple, les systèmes laurentien et huronien du Canada, cadomien du Massif armoricain), auxquels les géologues donnent aussi le nom de chaîne (de même qu’ils l’attribuent parfois aux dorsales océaniques, dont la nature est autre). Mais ces structures, sauf exceptions (les Appalaches, par exemple), se traduisent par des reliefs de massifs anciens et de boucliers, aux caractéristiques tout à fait différentes de celles des chaînes montagneuses. On les exclura de cette étude.Ainsi définies, les chaînes de plissement se répartissent en deux grands domaines à la surface du globe. Le long de la bordure occidentale du continent américain, il s’agit de l’ensemble constitué par les Rocheuses et les Andes, étiré sur quelque 19 000 kilomètres de l’Alaska à la Terre de Feu, et culminant à l’Aconcagua (6 959 m), sur la frontière chilo-argentine. Dans l’Ancien Monde, les arcs alpins se succèdent de l’Atlantique au Pacifique et comportent, en Him laya, le plus haut sommet de notre planète avec l’Everest (8 848 m).Mais il convient d’englober dans la même famille géomorphologique les guirlandes d’îles, souvent élevées et longées par de profondes fosses océaniques, de l’Atlantique (arcs des Caraïbes et des «Antilles australes», Géorgie du Sud et Orcades du Sud) et, surtout, du Pacifique (arcs indonésien, japonais, des Mariannes, des Philippines et des Aléoutiennes).1. Données géodynamiquesLa tectonique de plaques fournit désormais une explication cohérente de la répartition des chaînes de plissement, et des traits fondamentaux de leur structure géologique.La répartition des chaînes de plissementOn sait que la lithosphère présente l’aspect d’une mosaïque constituée d’une dizaine de grandes plaques relativement rigides, en forme de calottes hémisphériques. Ces plaques lithosphériques comportent, en profondeur, le manteau supérieur , constitué de roches ultrabasiques (péridotites) lourdes (densité d = 3,3), d’une centaine de kilomètres d’épaisseur, surmonté d’une croûte plus mince. Celle-ci peut être continentale (de 30 à 40 km d’épaisseur) et constituée de roches acides plus légères (d = 2,8) de la famille des granitoïdes et des gneiss, ou océanique (de 5 à 7 km d’épaisseur) et constituée de roches volcaniques basiques du type basalte, sensiblement plus lourdes (d = 2,9 à 3,1). Le passage entre les deux types de croûte s’opère de façon progressive.L’étude des fonds océaniques, et des mesures précises, a montré que les plaques lithosphériques se déplacent les unes par rapport aux autres à des vitesses de l’ordre de quelques centimètres par an. À l’échelle des temps géologiques, où les durées s’évaluent en millions d’années, les distances parcourues sont considérables. Leur rapprochement (convergence ) entraîne un raccourcissement à l’origine d’une tectonique en compression ; à l’inverse, leur écartement (divergence ) provoque un étirement illustrant une tectonique en extension . À l’échelle du globe, ces mouvements doivent se compenser, en raison de la fixité de son volume depuis 200 millions d’années. Ainsi, les chaînes de plissement correspondent à des portions de croûte comprimées et raccourcies dans les zones de convergence de plaques, alors que s’ouvrent simultanément de profondes fractures continentales (rifts ) dans les zones d’étirement, susceptibles de s’épanouir en océans (néo-océans ).À l’échelle planétaire, la répartition des chaînes de plissement en deux grandes ceintures, péripacifique et mésogéenne, s’explique dans cette perspective.La ceinture péripacifique comporte deux branches de direction méridienne. Celle de l’Est, développée de l’Alaska à la Terre de Feu, constituée des Rocheuses et des Andes, se situe à la convergence de la plaque sud-pacifique et des plaques nord- et sud-américaines. Celle de l’Ouest comprend les arcs montagneux et volcaniques qui se succèdent depuis la presqu’île du Kamtchatka jusqu’à la Nouvelle-Zélande, signalant la convergence de la plaque nord-pacifique et des plaques eurasiatique et australienne. Au Nord, l’arc des Aléoutiennes réalise la liaison entre les deux branches.La ceinture mésogéenne tire son nom d’un ancien océan situé entre l’Eurasie et l’Afrique, appelé Mésogée ou Téthys. Elle englobe toutes les chaînes de plissement disposées selon une direction latitudinale, depuis les chaînes périméditerranéennes jusqu’à celles du sud de l’Asie (Him laya), développées dans la zone de convergence de la plaque eurasiatique et des plaques africaine et indienne. À l’Est, elle se relie à la ceinture péripacifique par l’arc indonésien.Typologie géodynamique des chaînesLa convergence des plaques détermine des marges continentales actives à leurs frontières. Ces marges sont le siège de deux mécanismes responsables de la genèse des chaînes de plissement, la subduction et la collision.La subduction , très fréquente, correspond à l’enfoncement d’une plaque sous une autre, jusqu’à son absorption éventuelle dans le manteau inférieur visqueux (asthénosphère ). Ses modalités varient selon les circonstances. La subduction péricontinentale est un cas simple, défini par le plongement d’une plaque océanique lourde sous une plaque continentale plus légère. Les Andes centrales en sont un bon exemple, la plaque sud-pacifique plongeant sous la plaque sud-américaine chevauchante. Les chaînes de subduction péricontinentale se caractérisent par une architecture en éventail des grandes unités tectoniques et des plis amples, associés à des failles inverses, dus à des compressions modérées.On parle d’obduction lorsqu’une plaque océanique vient chevaucher une plaque continentale. Cette situation suit une subduction intra-océanique concrétisée par des arcs insulaires actifs. Le blocage temporaire du mécanisme, lié à la faible densité de la plaque plongeante, peu apte à pénétrer dans le manteau, entraîne la genèse d’une chaîne d’obduction . Celle-ci présente une architecture asymétrique et des déformations assez complexes et énergiques, consistant notamment en chevauchements et charriages importants, vers la plaque plongeante. Ceux-ci affectent des sédiments marins épais et les roches vertes (ophiolites) du plancher océanique chevauchant. Les guirlandes d’îles montagneuses et volcaniques de l’ouest et du sud-ouest de l’océan Pacifique offrent de bons exemples de ce type de chaîne de plissement (Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Calédonie).La collision entre des continents portés par des plaques résulte de la poursuite de la convergence, ou de sa reprise, après une subduction péricontinentale ou intra-océanique. L’une des plaques, plus active, finit par chevaucher l’autre, peut-être immobilisée. Cette subduction intracontinentale signale la fermeture d’un océan. Une suture lithosphérique , souvent identifiable par des lambeaux de roches vertes du plancher de l’océan disparu, concrétise la frontière initiale entre les deux continents emboutis. Les chaînes de collision sont fréquentes (chaînes périméditerranéennes, sud-asiatiques). L’une des plus prestigieuses, l’Him laya, résulte du plongement rapide de la plaque continentale indienne sous la plaque continentale eurasiatique, à la suite de l’ouverture de l’océan Indien (néo-océan ). Le complexe ophiolitique du Tsang-po correspond à la fermeture d’un vieil océan (paléo-océan ). Les chaînes de collision se caractérisent par une architecture contrôlée par de grands cisaillements, accompagnés de chevauchements et de nappes de charriage de grande ampleur, vers la plaque plongeante.Contrairement à toutes les chaînes précédentes, les chaînes intracontinentales se développent hors des marges continentales actives, sièges des subductions. Elles résultent alors de la progression des contraintes, depuis les zones de convergence jusqu’à des platesformes émergées ou recouvertes par des mers épicontinentales peu profondes. Des compressions modérées définissent une architecture en éventail des unités tectoniques et des déformations plastiques simples dans des sédiments marins ou continentaux peu épais, comme dans les chaînes atlasiques du Maroc. Dans les Pyrénées et, surtout, les hautes chaînes de l’Asie centrale, des compressions plus intenses ont engendré des plis plus complexes et des chevauchements notables.2. Données structuralesLa structure des chaînes de plissement est complexe et diverse. Chacune d’elles a sa personnalité. Cependant, elles offrent assez de caractères fondamentaux comparables pour que les géologues les classent en trois grands types. On en rappellera les traits essentiels en vue de la compréhension de leur relief.Les chaînes géosynclinales ou intercratoniquesCes chaînes doivent l’originalité de leur structure à leur développement dans un complexe de rides et de sillons appelé géosynclinal, compris entre deux aires continentales ou «cratons» (ces chaînes sont dites aussi «bimarginées»). Entre la frontière suisse et la Provence, les Alpes occidentales en donnent un exemple classique. Dans la perspective de la tectonique de plaques, on a affaire à une chaîne issue d’une évolution complexe, aboutissant à une collision au début du Tertiaire, qui concerne deux continents portés, l’un, par la plaque eurasiatique (zones externes du géosynclinal) plongeante, l’autre, par une plaque sud-alpine (ride interne ou eugéanticlinale) chevauchante aujourd’hui disparue. La convergence a entraîné la fermeture d’un vieil océan (sillon interne ou eugéosynclinal) apparu au Jurassique. La nappe ophiolitique de l’unité pennique en conserve la trace.Trois grandes unités structurales se succèdent de l’extérieur à l’intérieur de l’arc montagneux. Chacune comprend des éléments de socle cristallin et une couverture sédimentaire souvent puissante, à faciès principalement marins, décollée du socle et affectée par des plissements de styles différents.L’unité delphino-helvétique comporte ainsi un chapelet de massifs cristallins externes, surtout granito-gneissiques, écrasés les uns contre les autres le long d’accidents tectoniques (Aar-Gothard, Mont-Blanc, Aiguilles-Rouges, Pelvoux-Grandes Rousses, Belledonne, Mercantour). Au-delà d’une longue déchirure dans le Lias (Combe de Savoie, Grésivaudan, Arc), les chaînes subalpines se développent dans une épaisse série sédimentaire essentiellement jurassico-crétacée, à alternance de calcaires et de marnes, affectée de plis de couverture souples nord-nord-est -sud-sud-ouest (Aravis, Bornes, Bauges, Chartreuse et Vercors) ou est-ouest (Diois, Baronnies, Préalpes de Digne et de Castellane).Dans l’unité pennique , on retrouve le socle, cristallin et cristallophyllien dans les massifs cristallins internes (Grand-Paradis, Dora-Maira), paléozoïque dans la zone du Briançonnais (Vanoise et Mont-Pourri). Mais la couverture est très différente de la précédente. Elle montre, du Lias au Crétacé inférieur, une puissante série, métamorphisée, de «schistes lustrés» injectés de roches vertes, déversée en nappes de charriage vers l’ouest. Un flysch très épais, peu ou pas métamorphisé, à alternance de grès et de schistes du Crétacé supérieur, forme une autre nappe dans l’ensellement qui sépare le Pelvoux du Mercantour (Ubaye-Embrunais).L’unité austro-alpine ne s’épanouit que dans la partie orientale de la chaîne, au-delà des Grisons. Dans l’Ouest, elle se limite à des éléments du socle cristallin, en place (Sesia Lanzo) ou en «klippe» sur les schistes lustrés (Dent-Blanche). À l’est, la couverture sédimentaire, calcaire, est chevauchante vers le nord et déversée en un empilement de nappes vers le sud.À ces trois unités fondamentales s’ajoutent de puissantes séries de molasses gréseuses à intercalations de conglomérats torrentiels, miocènes et plio-villafranchiennes, accumulées dans des bassins périalpins. Elles sont plissées et localement chevauchées.Les chaînes liminaires ou péricratoniquesLiées à une subduction péricontinentale, ces chaînes s’inscrivent dans la marge d’un continent (on les dit parfois «monomarginées»), telles les Andes dans celle du socle sud-américain. Une différenciation en cordillères et en dépressions longitudinales domine leur structure, à la suite d’un débitage par une intense tectonique de failles plio-quaternaire.Les cordillères correspondent à des panneaux de socle hercynien soulevés, supportant en discordance plusieurs milliers de mètres de sédiments secondaires et parfois tertiaires. Les faciès continentaux monotones y dominent, entrecoupés de puissants épanchements volcaniques. Des plis de couverture et de revêtement à déversement vers l’est caractérisent ce matériel. Si l’on y observe des chevauchements, il n’existe pas d’équivalents des grandes nappes de charriage alpines.L’édifice andin proprement dit comprend les cordillères côtière et principale. À la hauteur de l’Argentine moyenne, leur couverture sédimentaire, essentiellement gréso-schisteuse, allant du Permien au Crétacé, comporte des intercalations de brèches volcaniques et de laves. Sur le versant chilien, elle présente de puissants épanchements andésitiques et des intrusions granitiques. Des déformations à grand rayon de courbure affectent l’ensemble, qui chevauche le versant argentin caractérisé par une intense tectonique de plis de revêtement et de couverture à la faveur d’un décollement lié à des gypses jurassiques. Généralement localisée sur la ligne faîtière, une série paléogène schistogréseuse, comportant des intercalations volcaniques, déformée par de vastes plis souples et traversée d’intrusions granitiques, repose en discordance sur le Mésozoïque. Enfin, d’importantes coulées basaltiques plio-quaternaires et de grands volcans (Tronador, Osorno), parfois encore actifs, couronnent les hauts plateaux andins.À l’est, la cordillère frontale et la précordillère, respectivement développées vers le nord depuis San Rafael et Mendoza, sont des morceaux de l’avant-pays, sans couverture jurassico-crétacée, soulevés juqu’à 4 000 et 5 000 mètres. Dans la première domine un Permo-Trias classique. Le socle hercynien, avec ses calcaires, ses grès et ses schistes plissés, affleure largement dans la seconde. Des déformations avec chevauchements par failles inverses affectent la couverture sédimentaire.Entre les cordillères, les dépressions représentent des panneaux affaissés du socle. La vallée longitudinale du Chili, d’une largeur moyenne de 50 kilomètres, sépare ainsi les cordillères côtière et principale sur un millier de kilomètres. Un chapelet de bassins intra-andins (Uspallata, Caliugasta) s’intercale entre la cordillère frontale et la précordillère. Des bassins préandins les précèdent, isolant les Sierras Pampeanas, qui correspondent à un avant-pays plissé. Dans toutes ces dépressions, l’accumulation de plusieurs milliers de mètres de conglomérats, de grès et de schistes, d’un Plio-Quaternaire continental, confère aux failles correspondantes des rejets de l’ordre de 10 000 mètres.Les chaînes intracontinentales ou intracratoniquesLes chaînes de ce type se localisent à l’intérieur même d’une aire continentale. Leurs couvertures sédimentaires, lacunaires et relativement peu épaisses, présentent des faciès épicontinentaux, voire continentaux. On n’y connaît pas de séries métamorphisées analogues à celles de la zone interne des Alpes, ni de charriages d’une ampleur comparable. Une tectonique de fond s’y traduit par des plis de revêtement et de couverture, plus ou moins complexes, à la faveur de décollements du socle.On précisera les caractéristiques principales de ces chaînes en prenant les Pyrénées comme exemple. Leur organisation générale oppose une importante unité axiale, correspondant au socle, à des unités sédimentaires posthercyniennes plissées, assez dissemblables dans leur agencement.L’unité axiale est un socle paléozoïque affecté par des plissements hercyniens, en partie métamorphisé et granitisé. Dans les Pyrénées occidentales, il n’est plus représenté que par les massifs cristallins (granites intrusifs, schistes sériciteux, quartzites, calcaires marmoréens) disséminés dans le Pays basque. Une tectonique tertiaire a brisé ce matériel en blocs inégaux. Dans les Pyrénées orientales, elle individualise des horsts et des fossés d’effondrement à épais remblayage de formations détritiques tertiaires (Capcir, Conflent, Cerdagne, etc.).Dans l’unité septentrionale , la couverture sédimentaire, principalement jurassico-crétacée, montre une alternance de calcaires, de grès, de schistes épais (Albien) et un flysch important (Cénomanien). De puissants plissements souples la déforment entre des alignements d’éléments du socle constituant les massifs nord-pyrénéens (Arize, Saint-Barthélemy, etc.) et ceux de la zone sous-pyrénéenne (Corbières, Mouthoumet). Ces plissements, en général plus ou moins déversés vers le nord, ne présentent des chevauchements notables que très localement (pic de Bugarach). Ils sont particulièrement complexes dans le détail en Pays basque, en raison de l’imbrication de la couverture sédimentaire avec les éléments de socle.L’unité méridionale est beaucoup plus marquée. Des calcaires crétacés et éocènes, prépondérants, y définissent deux ensembles de plis énergiques, couchés jusqu’à l’horizontale sinon faillés, en fonction d’un déversement général en cascades vers le sud. Ils constituent les sierras intérieures et extérieures, soudées à l’est, puis individualisées par l’épanouissement du large synclinorium de l’Aragon, bourré d’argiles, de marnes et d’un flysch calcaro-gréseux, éocènes et oligocènes, puis de poudingues oligo-miocènes. Des ondulations souples plissent l’ensemble de ce matériel.Cette fois encore, en Aquitaine comme dans le bassin de l’Èbre, d’épaisses accumulations de molasses oligo-miocènes et des conglomérats plio-quaternaires bordent la chaîne. Leurs déformations témoignent de plissements et d’un soulèvement général d’au moins 1 000 mètres, localement accompagnés d’un volcanisme quaternaire (Ampurdán).3. Caractéristiques du reliefÀ partir de ces données, on peut caractériser les familles de formes de relief des chaînes, et poser les principes de base de leur classification en types géomorphologiques.Formes structuralesStrictement liées à la tectonique de plissement, le plus souvent, les formes structurales sont les plus typiques. Elles se différencient selon les particularités lithologiques du matériel sédimentaire et le style des déformations.Les formes structurales les plus classiques s’épanouissent dans les séries épicontinentales, à contrastes lithologiques fréquents et marqués, affectées de plis lâches. Des monts et des vaux signalent les anticlinaux et les synclinaux, réalisant un relief conforme à la structure (Jura). Sur les flancs des plis entamés par l’érosion, des calcaires massifs ou des grès déterminent des crêts, des hogbacks ou des barres subverticales, selon la valeur des pendages, au-dessus de dépressions orthoclinales déblayées dans des argiles ou des marnes. Des ruz peuvent découper les crêts en chevrons, et des cluses ouvrir, d’un val à l’autre, le passage à des réseaux hydrographiques en baïonnette (Pontarlier, Voreppe).Dans les anticlinaux crevés par l’érosion, les combes s’épanouissent dans les argiles et les marnes dominées par des boucles de crêt à regard interne. Elles prennent une forme annulaire quand émerge un mont dérivé dans leur axe. Par destruction de l’anticlinal se réalise la forme d’inversion qu’est le val perché, délimité par un crêt à regard externe (Arclusaz dans les Bauges, Mas-d’Azil dans les Pyrénées, Aconcagua dans les Andes).Toutes ces formes, dites jurassiennes (fig. 1), ou préalpines quand il s’agit de vaux perchés (fig. 2), dominent dans les structures ouvertes à anticlinaux souvent coffrés et à synclinaux en baquets, comme celles du Jura, des Préalpes, de l’Atlas présaharien, et des Prépyrénées. On les trouve aussi dans les Andes, en particulier dans la cordillère principale chilienne, à la faveur de plissements lâches des séries mésozoïque et paléogène. Partout les perturbations liées à des accidents tectoniques restent limitées. Seules d’importantes failles de décrochement permettent de bien localiser des cluses.Plus accusés, les accidents tectoniques modifient le style des formes structurales. Le déversement des plis définit des crêts de flanc inverse (Le Jaout dans les Pyrénées-Atlantiques). Avec une rupture de charnière on passe aux escarpements de pli-faille (Mont-Aurélien dans le Var). Aux contacts anormaux correspondent les crêts de front de chevauchement (Sainte-Baume, fig. 3). Parallèlement, la définition structurale des dépressions se complique, car elles ne sont plus de simples vaux ou combes.On connaît bien des exemples de ces formes complexes dans les structures plissées très serrées, déversées et hachées de failles directionnelles. Dans les Andes, elles sont fréquentes dans la cordillère frontale et la précordillère. Elles se multiplient dans les zones nord-pyrénéenne et sous-pyrénéenne où s’opposent des calcaires et des grès à des marnes et des schistes, comme en Provence à la faveur de la dislocation de plis développés dans des calcaires massifs.Dans les séries épaisses et monotones de flyschs et de schistes lustrés, les formes structurales perdent leur netteté. Car ce matériel, peu différencié et plastique, donne des structures plissées très brouillées. Quand les particularités lithologiques le permettent, seuls les secteurs les moins tectonisés présentent quelques formes typiques. Les bancs calcaro-gréseux épais des flyschs de l’Embrunais et du Pays basque donnent ainsi des crêtes monoclinales dissymétriques bien marquées. Des formes comparables caractérisent les schistes lustrés des Hautes-Alpes (Queyras), des culots de roches vertes pointant en pyramides au-dessus des versants (mont Viso). Quand les plissements deviennent très confus, l’influence de la structure se réduit à une localisation des vallées par des fractures et des failles.Les formes structurales des éléments de socle cristallin ou cristallophyllien incorporés aux chaînes relèvent d’influences semblables, pour l’essentiel. La trame rocheuse due aux réseaux de joints, de diaclases et de fractures détermine des aiguilles (Mont-Blanc), des crêtes (Aulus dans les Pyrénées), et fixe des sillons plus ou moins rectilignes exploités par les écoulements. Des cuvettes correspondant à des batholites de granite mis en creux signalent aussi l’action de l’érosion différentielle (Pyrénées ariégeoises). Enfin, de grandioses escarpements de ligne de faille soulignent les amples dislocations à l’origine des bassins et des fossés d’effondrement molassiques (Andes, Pyrénées orientales).À cette même famille de formes appartiennent aussi les coulées de basalte et les cônes engendrés par le volcanisme plio-quaternaire. On sait leur importance dans les Andes, où abondent les coulées de plateau et de vallée tandis que de grands volcans couronnent la Cordillère.Formes d’ablation et d’accumulationDes formes d’ablation et d’accumulation complètent cette gamme de reliefs déjà fort riche. Parmi les premières, il faut compter les vestiges de surfaces d’aplanissement liés à la présence d’éléments de socle. Ils font la monotonie des plateaux élevés des Rocheuses ou de l’Altiplano et de la Puna des Andes (fig. 4), comme des plas de l’unité axiale pyrénéenne ou des hautes surfaces des massifs cristallins externes des Alpes occidentales. Dans les Pyrénées, par exemple, les études montrent leur appartenance à des surfaces façonnées à différentes époques de l’ère tertiaire (Aquitanien, Pontien), puis portées à des altitudes variables et disséquées par l’érosion. On identifie de même, dans certains secteurs des massifs alpins, des lambeaux récemment exhumés d’une surface prétriasique déformée.Par ailleurs, l’intensité de l’empreinte glaciaire contribue fortement à donner au relief des chaînes une profonde originalité. Grâce à leurs altitudes élevées, elles ont porté au Quaternaire d’importants glaciers de cirque et de vallée, dont certains subsistent encore sur les plus hautes d’entre elles. La présence de cirques glaciaires dominés par des crêtes d’intersection aiguës, et de profondes vallées en auge, confère une grande vigueur à leur relief. Sur leurs versants raides, les éboulis de gravité à éléments grossiers abondent, comme les cônes de déjection torrentiels qui frangent leurs bases.Mais des formes majeures d’accumulation et d’ablation se situent dans les vastes bassins intramontagnards et dans les piémonts. Le relief des uns et des autres dépend en effet étroitement de la montagne qui les surplombe, tant par leur matériel rocheux né d’une sédimentation corrélative de sa destruction que par ses déformations liées à son orogenèse. Et les processus de leur façonnement eux-mêmes bénéficient des masses d’eau et d’alluvions que la montagne y déverse, sinon d’apports de glaciers.Dans les piémonts en subsidence continue, l’accumulation prédomine, de telle sorte que leurs plaines construites viennent buter contre la chaîne, à peine inclinées et incisées par les écoulements (plaine du Pô). Ailleurs, en raison de conditions tectoniques et bioclimatiques différentes, l’ablation a prédominé aux dépens d’une accumulation antérieure. Dans les régions semi-arides, il existe ainsi des piémonts à glacis d’ablation quaternaires (Atlas nord-africains, Andes, Rocheuses). En milieu humide, en revanche, s’est imposée une dissection en serres (Pyrénées-Atlantiques). Quand les langues glaciaires du Quaternaire ont largement débordé de la montagne en lobes coalescents, de grands vallums morainiques cernant des lacs et de larges vallées proglaciaires à terrasses caractérisent les piémonts (piémont bavarois).Principes d’une typologie géomorphologiqueLe relief des chaînes résulte des combinaisons réalisées entre toutes ces formes. Il est donc complexe et très divers. Cependant, de la même façon que les géologues commencent à discerner des types structuraux, les géomorphologues souhaitent aboutir à une définition de types géomorphologiques fondés sur des caractères communs fondamentaux. Le problème est difficile, et on ne saurait à l’heure actuelle proposer une classification définitive. On se bornera à en évoquer les principes essentiels.L’importance des données structurales est indéniable, car elles fixent certains traits majeurs du relief des chaînes en raison même de la jeunesse relative de leur orogenèse. La phase ultime de tectonique en extension, par d’amples mouvements verticaux, détermine ainsi l’importance générale du bourrelet montagneux. Dans certains cas, tel celui des Andes, elle différencie également les grandes unités orographiques, en fonction de la succession des cordillères soulevées et des dépressions affaissées au Plio-Quaternaire. La configuration d’ensemble du relief des Pyrénées et des Alpes dépend aussi de l’assemblage des grandes unités structurales. Et, dans chacune de ces pièces essentielles du relief, la nature, le style et la disposition des formes associées dépendent des conditions lithologiques et tectoniques. Le rôle de la structure apparaît donc primordial dans l’agencement et l’ossature du relief des chaînes. Il s’exprime toujours dans son caractère ordonné, tant à l’échelle de l’ensemble qu’à celle des formes. Mais il doit aussi permettre la distinction de types morphostructuraux . On conçoit, par exemple, qu’on puisse séparer des types andin et alpin, tant est marquée leur individualité dans le matériel rocheux et le style tectonique.Pourtant, une base de différenciation purement morphostructurale serait grossière. Une classification géomorphologique doit aussi tenir compte de l’intensité de la morsure glaciaire, des particularités du modelé des versants, de la présence de formes d’ablation et d’accumulation originales, c’est-à-dire de tout ce qui relève, dans le relief, de l’activité présente ou passée des systèmes morphogéniques. Or ces systèmes dépendent étroitement des milieux bioclimatiques. Le relief d’une chaîne érigée dans le domaine tropical humide n’est pas identique, dans son détail, à celui d’une chaîne, comparable au point de vue structural, localisée dans des régions froides ou arides. Celui des Andes, allongées en latitude sur plusieurs milliers de kilomètres, offre de telles variations. L’existence de types morphoclimatiques de chaînes n’est pas contestable. Encore faudrait-il tenir compte de l’altération des conditions bioclimatiques par l’altitude, qui crée un étagement, et de l’orientation, de l’aération ou de la massivité, dont dépendent les microclimats.Enfin, dans la mesure où le passé géomorphologique des chaînes s’exprime encore dans leur relief actuel par la présence de formes héritées , il conviendrait d’en tenir compte. Il peut s’agir d’éléments de vieilles surfaces d’aplanissement conservées à la faveur de leur fossilisation puis exhumées, ou d’éléments de surfaces tertiaires partielles élaborées au cours de répits suffisamment prolongés de l’orogenèse et de la tectogenèse. Mais les fluctuations climatiques quaternaires ont laissé aussi de nombreuses traces dans le modelé des versants. Or l’importance et les caractéristiques de cet héritage varient selon le dynamisme orogénique et la localisation géographique des chaînes.Une typologie géomorphologique véritable devra tenir compte du jeu de tous ces facteurs. Le stade actuel atteint par la recherche dans ce domaine ne rend guère possible son établissement.4. Genèse du reliefLe relief des chaînes de plissement est récent. Sa genèse correspond, pour l’essentiel, à un important rajeunissement orogénique plio-villafranchien, qui a permis à des érosions diverses de s’exprimer avec vigueur. Les périodes antérieures appartiennent à une paléogéographie dont l’intervention dans la compréhension du relief résulte du jeu des données structurales.Paléogéographie des chaînesUne longue période de sédimentation caractérise la paléogéographie des chaînes au cours du Mésozoïque. Selon leurs types, elle apparaît à dominante marine ou continentale. Pour les Alpes, il s’agit d’une période fondamentalement sous-marine, réglée par le dynamisme des sillons subsidents et des rides d’un géosynclinal. À l’opposé, l’évolution correspondante des Andes se révèle franchement continentale et coupée de puissants épanchements volcaniques.Ces périodes, géosynclinale ou liminaire selon le cas, se terminent par une intense activité tectonique. Alors se développent, en plusieurs phases dont les effets se propagent de l’intérieur vers l’avant-pays, des accidents dus à une tectonique en compression . Leur style et leur âge varient. Dans les Alpes, l’émersion d’une cordillère dès la fin du Crétacé déclenche une intense érosion avec dépôt de flyschs épais. Mais la fermeture du géosynclinal n’intervient qu’au cours de deux phases paroxysmales tertiaires. Elles engendrent les nappes de charriage de flysch et de socle des zones internes, et les plis de revêtement ou de couverture des zones externes. On ne trouve guère que des accidents autochtones des derniers types dans les Andes comme dans les Pyrénées, où les chevauchements restent très limités. Les mouvements y sont aussi plus précoces. Dans les Andes, en particulier, les importants plissements laramiens de la fin du Crétacé précèdent l’orogenèse tertiaire.Pendant la fin de l’Oligocène et au cours du Miocène, une érosion active attaque les systèmes montagneux ainsi créés. Des molasses corrélatives s’accumulent dans des bassins marins ou continentaux principalement périphériques. En dépit des quelques plissements tardifs qui affectent ce matériel jusqu’au début du Pliocène, le relief des chaînes apparaît déjà considérablement réduit, parfois même jusqu’au développement d’aplanissements partiels.Rajeunissement orogénique et morphogenèseLe relief actuel des chaînes résulte surtout du rajeunissement orogénique plio-villafranchien. Une importante tectonique en extension marque alors la détente de l’orogenèse. Elle s’exprime par de très amples mouvements verticaux de surrection et d’effondrement. Les chaînes leur doivent des altitudes élevées et leur configuration orographique. Ils déterminent ainsi l’organisation des Andes en cordillères et en sillons. Et le développement de failles de quelque 10 000 mètres de rejet s’y accompagne d’un intense volcanisme quaternaire. Entre les plus hauts sommets des Alpes et le fond de la plaine du Pô touché par les sondages, la dénivellation n’est pas moindre. On sait aussi l’ampleur des accidents qui différencient les Pyrénées orientales en alignements de horsts et de fossés.Conséquence de tels mouvements, une reprise d’érosion particulièrement vigoureuse dissèque les blocs soulevés. Des réseaux de vallées profondes s’y inscrivent, générateurs des grands versants et des grandioses dénivellations si typiques des chaînes. Parallèlement, les formes structurales s’épanouissent en fonction de l’exploitation des particularités plus ou moins favorables du matériel plissé. Le cas échéant, elles conservent cependant les marques d’aplanissements antérieurs.Mais l’intensité du soulèvement entraîne aussi une différenciation remarquable de la morphogenèse avec l’altitude. Quelle que soit la latitude, il détermine une superposition d’étages bioclimatiques caractérisés par des systèmes morphogéniques et des modelés du relief originaux. Sur les plus hauts sommets, ce phénomène d’étagement se traduit par l’existence de glaciers de vallée. La morsure du froid et de la glace sur les crêtes, comme sur les versants des vallées et les parois des lits glaciaires, contribue pour une large part à donner aux chaînes une profonde originalité.En raison de l’instabilité du climat au Quaternaire, des fluctuations glaciaires accompagnées de migrations verticales des limites des différents étages morphoclimatiques ont contrôlé la morphogenèse. Avec l’extrême diversité des données structurales offertes à l’érosion, ces conditions bioclimatiques variées et instables expliquent la richesse et la complexité du relief des chaînes de plissement.
Encyclopédie Universelle. 2012.